Stade Olympique : l'architecture de l'Allemagne hitlérienne
- Dr Julien Drouart

- 23 oct. 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 juil.

Le Stade Olympique de Berlin (Olympiastadion) est un chef-d’œuvre architectural. Il fut le théâtre des Jeux olympiques de 1936 sous le régime hitlérien. L'espace offre donc une double lecture, pour le plus grand intérêt des visiteurs.
Le Stade Olympique vaut le détour. C'est aussi un coup de cœur personnel.
Trois ans après l’établissement d’un régime totalitaire en Allemagne, Berlin accueille à l’été 1936 les Jeux olympiques. Pour l’occasion, une enceinte digne des empires immémoriaux est édifiée, suivant les codes du néo-classicisme national-socialiste. L’ensemble est réalisé par l’architecte Werner March avant d’être finalisé par l’apport esthétique d’Albert Speer, favori et ami intime d’Adolf Hitler. Le stade cristallise dans la pierre à la fois les ambitions de puissance et le mythe racial d’une identité germanique. La réalisatrice Leni Riefenstahl consacrera les lieux en son temps en y réalisant un film de propagande qui témoignera de son génie cinématographique : Les Dieux du Stade.
Épargnée pendant la guerre, l’enceinte, située dans Berlin-Ouest, fut occupée par les armées britanniques d’occupation. Celles-ci en profitèrent pour organiser leurs propres défilés militaires. Depuis la Guerre froide, le Stade Olympique accueille les rencontres de football du club résident, le Hertha Berlin, et ses 70 000 spectateurs. Le sport y est donc toujours à l’honneur, avec la finale de la Coupe d’Allemagne de football ainsi que diverses compétitions d’athlétisme. En outre, des concerts et des événements culturels y sont régulièrement organisés.
L'architecture du Stade Olympique reste celle du Troisième Reich. En dépit des diverses célébrations sportives, culturelles ou festives qui s'y déroulent, ses codes architecturaux perdurent.

Une architecture dérangeante
Malgré des dimensions écrasantes, l’ensemble est monumental par son étalement. Son système de colonnades étayées de pierre calcaire cultive un sentiment d’éternité et de solennité. Aucune couleur ne vient rompre cet ensemble, si ce n’est la piste d’athlétisme d’un bleu rappelant celui de l’équipe de football résidente. À quelques exceptions près, le stade conserve en grande partie sa configuration originelle. Seule la porte du Marathon ouvre partiellement l’enceinte, laissant apparaître la tour de la cloche olympique.
En faisant le tour extérieur du stade, on remarque le chêne allemand, les colonnes germaniques et la cloche olympique, coulée à l’occasion des Jeux de 1936. Ces symboles du national-socialisme, en partie édulcorés, ne peuvent être ignorés. Longeant l’allée monumentale et martiale, une succession de stèles honore les athlètes allemands victorieux lors de chaque olympiade.
Plus loin, apparaissent les anciens bassins olympiques. Ils accueillent désormais une magnifique et terrifiante piscine communale. Les gradins menaçants de pierre rocailleuse sont désormais inaccessibles au public. Enfin, se dessine l'immense champ de Mai, lieu des sessions gymniques des Jeunesses Hitlériennes. Le site est ceinturé de tribunes d'un autre temps, elles aussi abandonnées. En face, un monumental terre-plein accueille l'ancienne tribune des officiels pour les discours. Il ne s'agit pas d'une simple enceinte sportive.

Une visite guidée est nécessaire
Grandiose enceinte sportive ou reflet architectural du régime hitlérien et de ses ambitions, la question fait encore débat. En tout cas, on ne saurait oublier que l’architecture du Stade Olympique n’est pas dénuée de sens : elle est bien celle du Troisième Reich. La configuration des lieux et les symboles sont des éléments marquants qui contrastent avec l’usage actuel. Un choc des genres et une dichotomie profondément troublants.
Toutefois, l’architecture du stade est également grandiose et saisissante dans ses perspectives. Les canons et les critères esthétiques sont rigoureusement établis. En conséquence, une visite s’impose rapidement, tant pour les passionnés d’histoire que pour les amateurs d’architecture. Fait remarquable : une certaine liberté est laissée au visiteur. Celui-ci peut en effet découvrir les espaces extérieurs et l’intérieur du stade de manière individuelle. On regrettera que d’éventuels échafaudages, montés pour l’organisation de concerts, réduisent fortement la visibilité et l’accès. De même, les sous-sols ne peuvent être visités que dans le cadre des circuits organisés par le service des visiteurs.

Atouts
Architecture grandiose et monumentale
Dernier vestige national-socialiste à Berlin
Liberté relative pour les visites individuelles
Très bien desservi par les transports en commun
Incroyable double lecture des lieux
Limites
Superposition des usages parfois dérangeante
Espaces fermés au public sans avertissement



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