Le Mémorial aux homosexuels persécutés (Denkmal für die im Nationalsozialismus verfolgten Homosexuellen) à Berlin rend hommage à ceux et celles qui furent ostracisés par le régime hitlérien en raison de leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. D'une sensibilité impressionnante, l'ensemble mémoriel compte parmi les belles surprises du travail de mémoire.
Une visite au Mémorial aux homosexuels persécutés est facultative. C'est aussi un coup de cœur personnel.
En 2008, un monument fut inauguré à Berlin pour commémorer ceux et celles qui avaient été persécutés par le régime national-socialiste en raison de leur orientation sexuelle. L'érection du remarquable Mémorial aux Juifs assassinés d'Europe rendait hommage aux victimes de la Shoah, ce qui a conduit d'autres communautés à réclamer leur propre lieu de mémoire.
Il est impossible de comparer d'un point de vue quantitatif les victimes des politiques anti-homosexuelles à celles des politiques antijuives de l'époque. Cependant, la souffrance humaine n'est pas quantifiable. En d'autres termes, il n'y a pas de concurrence des mémoires. Au contraire, les deux mémoriaux, ainsi que ceux qui ont été créés par la suite, sont plus complémentaires qu'antagonistes. Chacun lutte contre le déni historique et adopte une orientation contemporaine distincte.
Une découverte presque fortuite
Dissimulée et volontairement discrète, une stèle oblique se dresse à l'entrée du parc Tiergarten. Sans intitulé visible, une lucarne permet de regarder à l'intérieur où est projeté un court montage vidéo. On y voit deux personnes de même sexe s'embrasser. Derrière ce couple enlacé, un panorama d'images présente la lutte pour l'égalité des droits à différentes époques, signalant que la discrimination ne se limite pas uniquement à la période du national-socialisme. Ce qui pourrait sembler n'être qu'un détail montre que la question de l'homophobie est ici actualisée. On rappelle au visiteur les résonances historiques. Simplement, la forme artistique du Mémorial aux homosexuels persécutés s'adapte aux enjeux contemporains.
Aussi, amener le visiteur à observer l'intimité de deux personnes qui se cachent des regards potentiellement réprobateurs déstabilise et surprend. L'absence apparente d'informations est donc un choix pédagogique. On souligne qu'hier comme aujourd'hui, des personnes sont contraintes de se cacher pour vivre leur amour.
Plus à l'écart, se trouve une plaque commémorative et explicative. On comprend la distance qui fait partie intégrante de la mise en scène. Toutefois, on regrette son style aseptisé rendant l'ensemble difficile à lire et donc à comprendre.
Un mémorial parmi les plus extraordinaires qu'il soit
Le Mémorial aux homosexuels persécutés est d'une sensibilité remarquable et place le visiteur dans une situation inconfortable. La discrétion qui y règne est un choix et le message politique est évident.
Il faut toutefois se méfier des préjugés que malheureusement l'absence d'explications pourrait renforcer et consolider. Interpréter le fait historique peut s'avérer complexe lorsque la forme prime sur le fond ; ce qui est d'ailleurs la caractéristique d'un mémorial. En d'autres termes, il est nécessaire de repenser ses propres représentations et faire preuve de patience. Le mémorial est sans aucun doute un ensemble absolument remarquable. Y aller n'est pas une obligation et relève d'une démarche personnelle.
Atouts
Adaptation osée et réussie des questions historiques aux enjeux contemporains
Discrétion digne et respectueuse
Effet lumineux presque fantastique peu avant la pénombre
Limites
Concept louable mais difficilement accessible pour le néophyte
Fréquents problèmes techniques plongeant le visiteur dans l'ignorance
Condensation à l'intérieur de la stèle compliquant le visionnage de la vidéo
Pour aller plus loin
Le site en ligne de la Fondation en charge des mémoriaux aux victimes du Nazisme.
Un dossier très complet sur la signification de l’œuvre.
Le mémorial est régulièrement vandalisé.