Mémorial de la bibliothèque engloutie : le souvenir de l'autodafé nazi
- Dr Julien Drouart
- 21 sept. 2020
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 juil.

Le Mémorial de la Bibliothèque engloutie (Denkmal zur Erinnerung an die Bücherverbrennung) à Berlin commémore les autodafés hitlériens qui se déroulèrent sur la place. Agencé de façon magnifique, ce petit ensemble adopte la discrétion dans l'espace public.
Le Mémorial de la Bibliothèque engloutie vaut le détour.
Dans le cadre de la mise au pas de la société allemande, le régime hitlérien a entamé dès ses débuts une politique de censure et d'interdits. La régénération physique s'est également accompagnée d'une régénération morale, à savoir la valorisation de l'identité germanique.
Par conséquent, les idéologues du régime ont appelé à l'annihilation des écrits jugés subversifs, décadents ou portant atteinte à l'honneur allemand. Les ouvrages visés concernaient la littérature marxiste, homosexuelle ou ceux dont les auteurs étaient juifs. De même, ont été condamnés les ouvrages consacrés à la psychanalyse et aux arts présentés comme dégénérés, tels le cubisme ou le fauvisme, ainsi que les œuvres de l'Institut de sexologie de Berlin.
Le 10 mai 1933, se déroula sur la place de l'Opéra le plus grand autodafé de l'histoire de l'Allemagne hitlérienne. Plus de 20 000 œuvres littéraires ou scientifiques furent incinérées. En fin d'après-midi, les étudiants de l'Université Humboldt, accompagnés des membres de la SA et de la SS, vidèrent la bibliothèque universitaire adjacente, signant ainsi la fin de la diversité à Berlin.

Un concept et une réalisation remarquables
L'endroit est charmant, quoique monumental. Différents édifices offrent un très joli visuel, notamment la magnifique cathédrale catholique Sainte-Edwige. Au centre de la place se cache une dalle en plexiglas. Une salle inaccessible se dessine alors sous les pieds du visiteur. Sur les parois se trouvent des étagères, semblables à celles que l'on retrouverait dans n'importe quelle bibliothèque. Cependant, celles-ci ont été vidées de leurs ouvrages. Plus rien n'y sera jamais appris.
En surface, des plaques sur le sol informent sobrement le visiteur de l'événement et reprennent une citation du dramaturge allemand Heinrich Heine. Cette citation, presque prémonitoire, n'est malheureusement disponible qu'en allemand : "Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes". C'est tout, et c'est suffisant.

Un mémorial d'une extraordinaire discrétion
Le Mémorial de la Bibliothèque Engloutie n'a pas pour vocation d'éduquer le visiteur. Il est là pour que l'on se souvienne. En plus de cela, par sa discrétion et sa sobriété, il donne aux passants l'opportunité de poursuivre leur propre cheminement. La place n'est plus celle de l'autodafé de 1933. Elle se trouve désormais à l'intersection des hôtels, des lieux de culte, des universités et de la culture classique. La vie continue : personne n'a besoin de se rappeler constamment et nul n'est contraint de le faire ici. C'est un mémorial d'une grande intelligence.
Chaque année, à l'approche des dates commémoratives de l'événement, une bibliothèque en plein air sera installée sur la place, mettant à disposition certains des ouvrages qui avaient été incinérés à l'époque. Pour aller plus loin, je vous invite à lire une perspective journalistique sur les autodafés dans le monde contemporain.
Atouts
Place de l'interprétation
Perspective du vide
Discrétion appréciable et intelligente
Un flux de lumière sortant du sol en début de soirée
Limites
Informations limitées au strict descriptif et seulement en allemand
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