Véritable héros ordinaire, Gail Halvorsen a traversé les événements de l'après-guerre en Allemagne, laissant un souvenir indélébile à Berlin-Ouest. Il symbolise l'humanité face à l'adversité. Nous évoquerons ici la présence alliée face aux forces soviétiques.
Les débuts d'une carrière militaire
Originaire de l'Utah, le jeune Gail Halvorsen se découvre une passion pour l'aviation. Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage en Europe, il commence sa formation pour devenir pilote et s'engage volontairement dans les forces aériennes civiles auxiliaires. Au sein du Civil Air Patrol, il est affecté à des vols de reconnaissance, au transport du courrier et, de manière significative, à la formation continue des futurs pilotes. Cette expérience est d'autant plus importante que lorsqu'il est mobilisé pour des opérations dans le Pacifique, Halvorsen n'est pas affecté à une unité de chasseurs. Son implication est davantage logistique que stratégique.
Le jeune homme, au tempérament jovial, n'a jamais eu à engager le combat ni à bombarder des objectifs militaires ou civils. Sa passion et surtout son rapport personnel à l'aviation restent donc intacts. Poursuivant son engagement au sein des Forces aériennes, il est envoyé en Europe en juillet 1948, en tant que pilote d'avions de transport lourd.
Le blocus de Berlin
Depuis quelques semaines, les Soviétiques ferment les axes de communication terrestre entre Berlin-Ouest et la Trizone alliée. Ils contestent l'introduction exclusive du Deutsch Mark dans les secteurs américains, britanniques et français. Par conséquent, les accords de 1945 sur une administration commune sont rompus.
Berlin-Ouest et ses quelque deux millions d'habitants se trouvent isolés au cœur de la zone d'occupation soviétique et ne peuvent compter que sur un mois de réserves alimentaires. Seuls les corridors aériens, définis en novembre 1945 pour assurer la liaison des forces alliées avec leur zone d'occupation respective, restent accessibles.
Sous la direction américaine, débute la plus grande logistique aérienne que l'histoire ait jamais connue : Opération Victuailles. Pour que l'opération soit un succès, les experts du camp allié prévoient un tonnage quotidien minimal de 4500 tonnes de matières premières et de vivres, dont le transport nécessitera la mobilisation totale de centaines d'appareils de ligne chaque jour pour une durée indéterminée. Plus de 280.000 vols seront effectués jusqu'à la levée du blocus en mai 1949.
Des bonbons pour initiative personnelle
Gail Halvorsen sera l'un des premiers à assurer les liaisons aériennes entre Francfort et Berlin-Ouest. Une fois sur le tarmac de l'aéroport de Tempelhof, le jeune officier patiente que son appareil soit déchargé avant de repartir vers son port d'attache.
C'est alors qu'il remarque la présence, de l'autre côté de la barrière de fils barbelés, d'un petit groupe d'enfants berlinois venus observer le ballet incessant des avions dans le ciel. Engageant la conversation avec eux, Halvorsen est bouleversé par leur état de malnutrition et le fait qu'ils fument pour couper la faim. Il est vrai que la ville était encore en ruines et que beaucoup de ces enfants avaient perdu des membres de leur famille pendant la guerre. Le ravitaillement était principalement composé de charbon et d'aliments lyophilisés, souvent peu appétissants pour les plus jeunes.
Il promet de leur ramener des bonbons le lendemain : il les larguera de son avion à l'aide de petits parachutes pour ne blesser personne. Les enfants n'auront qu'à attendre son appareil qui se distinguera en remuant les ailes en phase de descente pour l'atterrissage.
Halvorsen tient parole et poursuit le largage de friandises, entraînant avec lui les hommes de son unité. Dans le même temps, le nombre d'enfants attendant ces fameux bonbons tombés du ciel grandit. L'affaire est ébruitée et Gail Halvorsen est convoqué par son supérieur, le Lieutenant-General Tunner, en charge du bon déroulement du pont aérien.
Une opération rondement menée
Tunner est un homme pragmatique. Il réalise immédiatement les bienfaits d'une telle initiative auprès de l'opinion publique allemande qui, en partie, doutait encore de la légitimité américaine. En sus du plan initial, il met en place l'Opération "Petites Victuailles" sous la direction de Halvorsen lui-même. Jusqu'en mai 1949, plus de 23 tonnes de friandises et autres douceurs sont ainsi larguées par les pilotes de l'US Air Force.
Aux États-Unis, le phénomène prend plus d'ampleur encore. Les collectes de friandises sont relayées par la population. Des dizaines de classes d'écoles élémentaires de la côte Est du pays organisent des ateliers pour la confection des fameux parachutes, tandis qu'un bureau spécial se charge de gérer la correspondance de Gail Halvorsen, à son retour d'Allemagne en janvier 1949.
Gail Halvorsen restera dans la mémoire berlinoise
Gail Halvorsen a traversé les événements de son époque sans perdre son empathie et sa confiance inébranlable dans le genre humain.
Son initiative personnelle et désintéressée a eu une conséquence majeure dans l'évolution des relations entre Américains et Allemands, car n'oublions pas que les avions qui larguaient des bonbons sur Berlin en 1948 étaient les mêmes qui lâchaient leurs bombes destructrices quelques années auparavant. Ces appareils étaient d'ailleurs appelés par les Allemands Rosinenbomber, littéralement les bombardiers de raisins secs.
Évidemment, l'initiative de Halvorsen a été utilisée à cet égard, pour assurer la position allemande dans le giron occidental contre le bloc soviétique. Bien entendu, l'Histoire est un processus complexe où de multiples facteurs interagissent et on trouvera toujours matière à remettre en question le bien-fondé de telle ou telle action.
Mais au-delà des considérations trop pragmatiques et désenchantées, Halvorsen reste un héros ordinaire, un symbole de Berlin-Ouest et un merveilleux souvenir pour tous ces enfants qui attendaient avec espoir que l'avion qui battait des ailes largue ses friandises. Cela n'a pas de prix. Il est un personnage incontournable pour qui s'intéresse à Berlin(-Ouest). Pendant des années, la presse locale célébrait chaque année l'anniversaire de l'aviateur fou. Gail Halvorsen s'est éteint le 16 février 2022 à l'âge de 101 ans.
Pour aller plus loin
Gail Halvorsen est invité à Berlin pour le 70e anniversaire du pont aérien.
Le Berliner Zeitung présente ses vœux pour le 100e anniversaire de Gail Halvorsen.
Vers une explication du Blocus de Berlin pour les plus jeunes.
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