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  • Photo du rédacteurDr Julien Drouart

Checkpoint Charlie : histoire d'une faillite collective

Dernière mise à jour : 26 déc. 2023


Checkpoint Charlie : histoire d'une faillite collective

Le Checkpoint Charlie à Berlin compte parmi les lieux emblématiques de la Guerre Froide. Aujourd'hui, c'est malheureusement là que l'authenticité et le travail réflectif ont le moins de sens. C'est une véritable faillite collective.


Une visite au Checkpoint Charlie est facultative


La fin de la Seconde Guerre mondiale entraîne la division de l'Allemagne en différents secteurs d'occupation. À Berlin, les Alliés et les Soviétiques se partagent la ville. Progressivement, les antagonismes politiques s'affirment entre les vainqueurs. En revanche, des points de contrôle nommés Checkpoints permettent jusqu'en août 1961 une circulation plus ou moins aisée. Le début de la construction du mur bouleverse ce fragile équilibre. Désormais, les points de passage seront limités au strict minimum et chacun d'entre eux aura une utilité bien définie.


À la rencontre des secteurs américain et soviétique, le Checkpoint Charlie devient le lieu de passage obligé pour les diplomates et les unités militaires. À la suite d'une brimade des policiers est-allemands, les forces américaines déploient le 27 octobre 1961 plusieurs chars d'assaut sur la ligne de démarcation. En réaction, l'Armée rouge mobilise ses propres machines de guerre. L'apaisement intervient rapidement. Cependant, l'événement aurait pu aussi devenir l'élément déclencheur d'un nouveau conflit armé, localisé ou à une échelle beaucoup plus grande.


La normalisation des années 1970 conduit au remplacement de la guérite par un conteneur. Cette manœuvre souligne malicieusement que la division allemande n'est que temporaire. En juin 1990, le préfabriqué utilisé dans les années 1980 est retiré. Très vite, une réplique de l'ancienne guérite des années 1960 est installée sur le lieu historique.

Une reproduction du Checkpoint Charlie des années 1960.

Reconstitution et marchandisation


Au carrefour de la Friedrichstrasse, une guérite savamment mise en scène attire le regard de centaines de visiteurs. L'endroit est assez photogénique. Les groupes de badauds se prennent en photo aux côtés de comédiens revêtus d'uniformes de l'armée américaine. Les clichés se prennent contre monnaie sonnante et trébuchante. Certains paieront cher pour obtenir un coup de tampon sur leurs passeports. En retour, ils s'octroient un droit de passage symbolique en RDA.


L'espace n'est pas sécurisé pour les véhicules automobiles. Les autobus des compagnies touristiques frôlent les passants et les groupes scolaires. Autour, des vendeurs à la sauvette proposent des contrefaçons des casques de gardes-frontières. Pour préserver leur territoire, ils sont parfois amenés à faire fuir les nombreux pickpockets. Partout, des établissements privés offrent des expériences sensationnalistes promettant de revivre la RDA et le Mur de Berlin.


Quelques panneaux historiques informent le visiteur de l'importance du lieu au moment de la division. Malgré leur qualité, leur positionnement sur la voie publique rend leur compréhension difficile. On en oublierait presque la présence, en hauteur, d'un panneau montrant les portraits de deux jeunes soldats, un Américain depuis l'Ouest et un Soviétique depuis l'Est.

Portrait de soldat au Checkpoint Charlie.

Un site historique sacrifié sur l'autel du tourisme


Rien ici ne peut justifier une telle faillite culturelle et historique. L'ensemble s'avère extrêmement décevant, mais aussi trompeur et réducteur. À ce titre, la présence de nombreuses entreprises commerciales n'est pas un hasard. Toutes veulent profiter de l'essor phénoménal du tourisme à Berlin. Par conséquent, la valorisation du patrimoine historique passe par une édulcoration. Au final, la plus-value pédagogique reste très faible.


On préférera visiter le Musée des Alliés où se situe l'authentique Checkpoint Charlie ou encore le très sobre Mémorial du Mur. L'offre historique ne manque pas à Berlin. Évidemment, il s'agit du choix de chacun.


Il ne faut pas juger sévèrement les visiteurs du Checkpoint Charlie. La plupart ne manquent pas de discernement ni d'intelligence. En revanche, il est bon de rappeler qu'une certaine industrie du tourisme entretient la confusion afin d'assurer une source de profit substantielle.

Le Checkpoint Charlie se trouve face au musée de l'évasion.

Atouts

  • Quelques idées de mises en scène intéressantes

  • Constater par soi-même les dérives de l'industrie touristique

Limites

  • Pickpockets et marchands du Temple

  • Les pires offres touristiques de Berlin

  • Un symbole historique travesti et édulcoré

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