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Photo du rédacteurDr Julien Drouart

Musée Otto Weidt : une histoire locale de la Shoah

Dernière mise à jour : 7 déc. 2023


Musée Otto Weidt : une histoire locale de la Shoah

Le Musée de l'atelier d'Otto Weidt se situe dans une cour intérieure du complexe Haus Schwarzenberg, dans l'ancien quartier juif du Scheunenviertel. Malgré un espace muséal minuscule, il réussit à donner des visages à la Shoah avec beaucoup de sensibilité.


La visite du Musée Otto Weidt vaut le détour. C'est aussi un coup de cœur personnel.


Suite à la déportation des Juifs de Berlin depuis 1941 et à l'Aktion Fabrik début 1943, seulement quelques milliers de Berlinois de culture et/ou de confession juive vivent encore dans la capitale du Troisième Reich. La plupart sont employés dans les usines essentielles à l'effort de guerre, une nécessité économique dictée par la guerre qui ne les protégeait cependant pas des rafles éventuelles.


L'industriel Otto Weidt dirige une entreprise de fabrication de brosses. Ces équipements étaient indispensables pour le maintien de la propreté des baraquements, notamment militaires. Par conséquent, les ateliers étaient supervisés par le régime national-socialiste. Le personnel était en grande partie composé de malvoyants et de malentendants, plus aptes à manipuler les poils des brosses grâce à leur toucher. La plupart étaient juifs.


Pendant la guerre, Otto Weidt tentera de préserver la vie de ses collaborateurs juifs. Il interdira officieusement le port de l'étoile jaune au travail et, avec l'aide d'amis dans le secret, fera fabriquer des faux-papiers, germanisant l'identité des uns et des autres. Il fera tout son possible pour sauver le grand amour de sa vie, Alice Licht. Il sera honoré du titre de Juste parmi les Nations bien après sa mort. Aujourd'hui, un musée rend hommage à son action désintéressée et aux membres de son personnel.

Lìntérieur du Musée Otto Weidt est épuré.

Une approche biographique et humaine de la Shoah


L'exposition permanente du Musée Otto Weidt se tient sur cinq pièces dans les lieux d'origine. Quelques rares objets sont présentés sous vitrine et dans la pièce principale. Si certains documents frappés du sceau national-socialiste rappellent les événements de l'époque, la plupart des éléments exposés s'attachent à donner un visage à chacun des protagonistes. Le facteur biographique est mis en valeur grâce à des photographies, des cartes postales et une riche correspondance. Les images présentées montrent des expériences personnelles, des sourires et des scènes banales de la vie quotidienne. Celles montrant la violence et les crimes de l'époque n'apparaissent pas. Le lieu n'est pas traumatique. Sans aucun voyeurisme, il cherche la catharsis.


La muséographie adopte un concept pertinent, celui d'une succession discrète de salles thématiques. À l'accueil, on contextualise les événements dans le temps et l'espace. L'approche reste locale et les explications n'entendent pas développer en détail les réalités de la Shoah. Puis, la pièce principale présente les protagonistes et leur activité dans les ateliers. Un petit module consacré aux collaborateurs non-juifs d'Otto Weidt est présenté dans ce qui ressemble fortement à un couloir. Enfin, les deux dernières salles évoquent le destin d'une part de ceux qui ont survécu, d'autre part de ceux qui ont péri. Une petite mise en scène clôture le parcours.

Le Musée Otto Weidt se situe dans le Haus Schwarzenberg.

Le Musée Otto Weidt est une grande réussite pour qui en a les clés


L'exposition souffre de l'absence d'un véritable fil conducteur. La narration n'étant pas chronologique, une visite ne peut être linéaire et des aller-retours entre les différentes salles sont nécessaires pour la compréhension. On regrette alors une muséographie bancale et souvent inaccessible. Cette lacune peut être en partie comblée grâce aux audioguides. En raison de la centralité de l'élément biographique, la meilleure façon de visiter le musée reste de faire appel à un guide-conférencier.


La surface réduite du musée interdit le surnombre et la cohue, garantissant ainsi la tranquillité des visiteurs. Il règne un sentiment d'intimité presque solennelle. En dépit de la gravité du sujet, l'atmosphère n'est pas oppressante en raison des jolies teintes pastel qui recouvrent les murs. Si le visuel s'avère au final assez pauvre, l'expérience s'apprécie avec une certaine légèreté. En effet, l'histoire que raconte le musée est une ode à la vie. C'est la raison pour laquelle la visite est parfaitement adaptée aux plus jeunes.


Bien qu'il soit au milieu d'un ensemble festif avec des graffitis, un cinéma et un bar, le Musée Otto Weidt fait preuve d'une incroyable discrétion pour mieux s'intégrer dans la vie quotidienne. Les espaces sont bien délimités et ne se superposent pas. Ainsi, chacun peut faire le choix de la mémoire sans s'y sentir contraint par une quelconque obligation morale. Dans le même ordre d'idées, le Mémorial de la bibliothèque engloutie suit une approche similaire, où la mémoire ne s'impose pas aux contemporains.


Atouts

  • Centralité de l'élément biographique

  • Vide esthétiquement très réussi

  • Personnel d'accueil compétent et attentionné

  • Possibilité d'une fin heureuse et positive

  • Parfaite intégration du musée dans un espace récréatif

  • Explications disponibles en braille

Limites

  • Segments thématiques mal établis

  • Difficile d'accès si non accompagné

  • Très peu de choses à voir

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