Centre de réfugiés de Marienfelde : comment évoquer l'exil ?
- Dr Julien Drouart
- 12 oct. 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 juil.

Le Centre de réfugiés de Marienfelde (Erinnerungsstätte Notaufnahmelager Marienfelde), à Berlin, est à la fois un mémorial et un musée sur la RDA et Berlin-Ouest. Il aborde intelligemment la question migratoire actuelle. Malheureusement, il n'est absolument pas mis en valeur.
Une visite au Centre de réfugiés de Marienfelde est facultative
La levée du blocus de Berlin conduit, en 1949, à la constitution de deux États allemands. Les nouvelles frontières suivent les lignes de démarcation des secteurs d'occupation. En RDA, la contestation populaire du printemps 1953 est violemment réprimée par l'Armée rouge. La violence politique s'abat sur les opposants au régime, réels ou supposés.
Nombreux sont ceux qui décident alors de fuir vers l'Ouest. Certes, dès cette époque, la frontière interallemande entre la RFA et la RDA était difficilement franchissable. Mais la particularité de la division faisait de Berlin-Ouest une enclave en territoire est-allemand. En l'absence d'un système frontalier hermétique et efficace, la zone occidentale devenait un passage privilégié pour rejoindre le reste de l'Allemagne de l'Ouest. Le mouvement fut massif : en quelques années, plus d'un million d'Allemands de l'Est transitèrent par Berlin-Ouest. Beaucoup rejoignirent les lieux de transit pour réfugiés, mis en place par la Croix-Rouge et l’État ouest-allemand.
Le principal centre se trouvait dans le secteur américain à Marienfelde. Aujourd'hui, il accueille encore des réfugiés venus du monde entier. Parallèlement, l'un des bâtiments est utilisé comme lieu de mémoire. Le centre de documentation présente une exposition portant sur l'exil et le déracinement.
Mettre en lumière la question de l'exil
L'espace consacré aux expositions se répartit sur deux étages de l'ancien bâtiment administratif du Centre de réfugiés de Marienfelde. Au rez-de-chaussée, trois salles se succèdent le long d'un couloir. Sur les murs, une chronologie succincte présente les grands événements de la division allemande. Les expositions évoquent les raisons de l'exil et les diverses méthodes utilisées pour quitter la RDA. La muséographie est épurée et l'espace relativement restreint, ce qui renforce l’aspect quasi intimiste de l'exposition.
Des notices biographiques informent des différents itinéraires de vie à l'aide d'objets du quotidien, d'une paire de chaussures à la poupée d'une fillette. L'ensemble est profondément humain. La troisième salle retrace les épreuves administratives que le réfugié devait surmonter. Ce parcours éreintant permettait d'obtenir le droit de travailler en Allemagne de l'Ouest et de bénéficier de toute la protection sociale nécessaire pour commencer une nouvelle vie.
À l'étage, l'organisation de l'accueil à proprement parler est abordée. On y évoque le menu des repas, les histoires humaines bouleversées et reconstruites. Une exposition photographique montre la vie quotidienne depuis 1953 jusqu'à aujourd'hui. Les photos en noir et blanc laissent progressivement place à celles en couleurs. Des familles est-allemandes sont remplacées par d'autres venues de Syrie, de Bosnie ou d'ancienne Union soviétique. Finalement, le visiteur traverse des chambres à coucher d'époque. Sur les murs, les citations des réfugiés d'hier et d'aujourd'hui reflètent les mêmes appréhensions et sentiments. On y lit la promesse d'un nouveau départ et la peur du renouveau.

Quand la mémoire historique devient contemporaine
Le Centre de réfugiés de Marienfelde questionne intelligemment les raisons qui poussent des hommes et des femmes à partir sur les routes de l'exil. Les craintes et les peurs des réfugiés d'antan et d'aujourd'hui ne sont pas si différentes. En réalité, les aspirations à une vie ordinaire sont d'une époque à une autre finalement assez similaires.
Le mémorial met en perspective le passé historique. Il inscrit l'histoire de la division allemande dans le cadre plus large de la politique d'accueil de l'Allemagne depuis 2015. Pourtant, l'ensemble présente également des limites. On regrette le manque d'exhaustivité et une présentation finalement assez superficielle. Cela peut traduire un manque d'ambition. Par extension, on devine l'absence d'une volonté politique de faire de ce lieu un véritable musée de l'exil.
Atouts
Dimension humaine de l'exposition
Espace partagé entre travail de mémoire et accueil des réfugiés
Question de l'exil abordée et actualisée
Limites
Absence d'informations en français
Muséographie parfois illisible du fait de la surcharge
Lieu de mémoire en perte de visibilité
Surface d'exposition assez limitée
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