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Photo du rédacteurDr Julien Drouart

Alexanderplatz : entre crépuscule et renouveau


Alexanderplatz : entre crépuscule et renouveau

L'Alexanderplatz est l'une des places les plus visitées dans la capitale allemande. Elle fut l'épicentre de la RDA qui en fit sa vitrine culturelle et architecturale. En présence de multiples problèmes structurels, sa grandeur passée semble désormais un lointain souvenir.


La visite de l'Alexanderplatz est facultative


A l'époque de la division de la ville, Berlin se réinvente et voit des centres jusque-là secondaires et périphériques prendre leur essor. A Berlin-Ouest, le Zoologischer Garten devient la place emblématique des libertés du monde occidental et du renouveau national. C'est ainsi que les commerces, les clubs de musique et les illuminations entourent l'Église du Souvenir. A Berlin-Est, le pouvoir est-allemand entend construire un monde nouveau et nourrit l'ambition de faire de l'Alexanderplatz l'équivalent allemand de la Place Rouge à Moscou.


Les travaux commencent tardivement dans les années 1960. L'abandon du réalisme socialiste ouvre la voie à une nouvelle phase, celle de la normalisation qui voit l'association de la modernité et du fonctionnalisme. A l'ombre de la Tour de Télévision, d'immenses bâtiments sortent de terre en quelques années et ceinturent une large zone piétonne destinée à accueillir les manifestations organisées par le pouvoir. Dans la culture populaire et notamment pour la jeunesse, la place devient un lieu de rencontre, l'endroit où voir et être vu. Aussi ne faut-il pas considérer le choix de l'Alexaderplatz par les opposants à la RDA pour leurs protestations comme un acte de défiance : les Berlinois de l'Est avaient un véritable affect pour la place.


La chute de la RDA provoque un délitement complet de l'Alexanderplatz. Les édifices sont privatisés, certains sont rasés et remplacés par des établissements aux architectures diverses, nuisant à l'harmonie originelle des lieux, d'autres bâtiments enfin sont abandonnés et trônent tels des bateaux fantômes. Malgré les bonnes volontés politiques, les projets d'aménagement tardent à voir le jour, principalement en raison des finances publiques insuffisantes. Aujourd'hui, l'Alexanderplatz reste l'important centre de correspondance pour tous les habitants de l'est de la capitale.

La fontaine pour la fraternité entre les peuples sur Alexanderplatz à Berlin.

Bonjour tristesse


Première évidence, la célèbre Tour de Télévision ne se situe pas sur l'Alexanderplatz mais à plusieurs centaines de mètres. Les artères adjacentes sont gigantesques, longues et larges à la fois. Pensées pour l'organisation des défilés monumentaux du régime est-allemand, elles participent à l'isolement de la place qui ne trouve par conséquent aucun débouché naturel. On se rend donc sur l'Alexanderplatz pour les commerces, lors d'un transit en transports en commun, mais on ne la traverse que très rarement à pied pour rejoindre un point plus éloigné. En tant que tel, la place vit en vase clos.


La place présente deux visages selon la perspective et également deux ambiances en fonction de l'heure de la journée. L'ouest de la place profite des curiosités est-allemandes de l'époque : le complexe architectural Berolinahaus, les galeries marchandes, la pittoresque fontaine de la fraternité entre les peuples et bien sur l'intrigante horloge universelle Urania qui indique l'heure des capitales du monde selon leurs fuseaux horaires et l'emplacement des planètes du système solaire qui, à défaut d'être correct, ajoute à la singularité du monument. Beaucoup de personnes s'y prennent en photo, s'y rencontrent et des concerts de rue s'improvisent. A une centaine de mètres, le coté oriental de la place est beaucoup plus froid, plus impersonnel, défiguré par les incessants travaux et les lignes du tramway. La vue donne sur des barres d'habitations en préfabriqué, laides, délabrées et pour certaines complètement abandonnées. Aucune activité à l'horizon, juste le béton.


En journée, la place est remplie des badauds à la recherche du prochain tramway vers l'Est ou en transit vers ou depuis le métro et la gare ferroviaire. Chaque heure, ils sont des milliers à traverser rapidement la place. Puis d'autres s'attardent aux bureaux, aux rares espaces de restauration et aux galeries marchandes à la qualité standardisée. Lorsque l'obscurité surgit, la place se vide et apparaissent des bandes tantôt pacifiques, parfois désœuvrées et menaçantes. L'insécurité et les violences urbaines ont nécessité l'installation d'un poste de police dans les dernières années. La nuit tombée, le temps s'arrête car aucun lieu de sociabilité, de plaisance ou de divertissement ne s'y trouve. Il est vrai que l'architecture rectiligne et froide n'encourage pas non plus à s'attarder.

Scène en soirée sur Alexanderplatz à Berlin.

Ne pas couper Berlin en deux


Le Zoologischer Garten est la porte d'entrée des gens de l'Ouest dans Berlin. Qu'ils viennent de Spandau, de Steglitz ou de Wannsee, les voyageurs y transiteront systématiquement. Il en est de même pour l'Alexanderplatz : c'est par cette place qu'arrivent dans la ville-centrale les personnes originaires de Biesdorf, de Wartenberg ou de Marzahn. Le sentiment est catastrophique. Pour les uns, l'Alexanderplatz ne mérite plus qu'on s'y arrête. Pour les autres, nostalgiques d'un pays qui n'existe plus et à qui l'Allemagne promet encore la réconciliation nationale, c'est la source d'une profonde amertume qui se traduit par un rejet des élites socio-économiques du centre de Berlin.


Le cas de l'ancienne Maison des Statistiques de la RDA est emblématique du mal-être. Depuis 1990, cet immense bâtiment est laissé à l'abandon et on devine à son sommet l'écriture cyrillique des grands slogans à la gloire de l'Union soviétique et de l'Allemagne de l'Est. Au moins les pouvoirs publics auraient-ils pu le raser pour faire table rase du passé ou engager sa réhabilitation vers de nos projets citoyens ou culturels. L'avoir laissé dépérir pendant trois décennies au vu et au su de tous est un manque évident de sensibilité et d'intelligence, en dépit des restrictions budgétaires, de la spéculation immobilière et de l'immobilisme des pouvoirs publics. Il en va ainsi de l'Alexanderplatz.


Dans les années 2010, la construction de gratte-ciels a profondément modifié le paysage du Zoologischer Garten. Malheureusement, l'Alexanderplatz n'a pas profité de cette dynamique. Pourtant, des aménagements modestes seraient envisageables, notamment la création d'un parc sur cette place entièrement bétonnée et dépourvue d'arbres. En attendant ces nouveaux projets grandiloquents mais jamais réalisés, l'Alexanderplatz se meurt à petit feu et tombe progressivement dans l'anonymat.

La fresque à la Science sur Alexanderplatz à Berlin.

Atouts

  • La belle horloge universelle

  • Un symbole architectural de la RDA

  • Un nÅ“ud ferroviaire important

Limites

  • Aucune réhabilitation de la place

  • Les bâtiments délabrés ou laissés à l'abandon

  • Une insécurité grandissante

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