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Photo du rédacteurDr Julien Drouart

Musée allemand de l'espionnage : un concept mal défini

Dernière mise à jour : 11 avr.


Musée allemand de l'espionnage : un concept mal défini

Le Musée allemand de l'espionnage ambitionne de faire l'historique du phénomène en l'insérant dans un espace volontairement moderne et interactif. A l'image de son sujet, l'ensemble est une illusion.


Une visite du Musée allemand de l'espionnage est facultative


Berlin a une histoire à la fois tragique et rocambolesque en matière d'espionnage. Au temps de la Guerre Froide, la partie occidentale était un vrai nid à espions. Pour prévenir toute tentative d'invasion, les forces alliées avaient fait du travail de renseignement la pierre angulaire de leur stratégie. De l'autre côté du rideau de fer, le renseignement laissait la place à la surveillance systématique de la population par la police politique est-allemande, la Stasi. Par conséquent, le choix d'ouvrir un musée de l'espionnage était tout à fait justifié.


Cependant, la thématique de l'espionnage avait déjà été approchée dans différents musées de la capitale. Proche du Checkpoint Charlie, le Musée du Mur évoque l'ingéniosité des passages à l'Ouest. A Dahlem, le Musée des Alliés présente un morceau d'origine d'un tunnel d'espionnage de l'armée américaine ; tunnel découvert par les Soviétiques suite à l'action d'un agent-double. Enfin, le Musée de la Stasi offre une remarquable exhaustivité sur la surveillance politique en ancienne Allemagne de l'Est.


Inauguré en 2015, le Musée allemand de l'espionnage ambitionne cette fois-ci un espace pédagogique et ludique entièrement consacré à la thématique. Il prétend même établir une histoire de l'espionnage qui dépasserait l'image romantique de l'espion pour mieux s'emparer de problématiques plus contemporaines. Le résultat est un fourbi consternant.

Le parcours de lasers de détection au Musée allemand de l'espionnage à Berlin.

Un remplissage par le vide


Le Musée allemand de l'espionnage se trouve sur la Leipziger Platz dans un complexe immobilier récemment construit. Son bâtiment moderne et sans héritage lui permet d'occuper une surface assez grande, garantissant un temps de visite assez long. Les intérieurs sont composés de larges couloirs et de salles tamisées, créant un sentiment d'intimité ou de secret qui sied parfaitement au thème de l'espionnage. Point positif : la visite suit un sens giratoire qui permet la bonne régulation du flux des visiteurs.


Malheureusement, les collections sont assez minces. Les objets sont en faible nombre et leur intérêt est parfois discutable. A la place, les écrans vidéo sont utilisés à profusion dans toutes les salles dont certaines en sont entièrement recouvertes. La plupart ont une fonction essentiellement décorative et ne présentent aucune plus-value. Les écrans remplacent parfois même les notices informatives par des tablettes tactiles, imposant des manipulations absolument contre-intuitives.


De manière générale, l'exposition déçoit par son manque de cohérence et de profondeur. L'espionnage devient un prétexte attrape-tout allant de Mata Hari à James Bond en passant par Edward Snowden. L'attention se porte alors vers les modules interactifs qui mettent vraiment la technique au profit de la thématique. Par exemple, le parcours des lasers de détection bénéficie d'une belle mise en scène. Cette attraction est d'ailleurs le principal argument commercial du musée. Toutefois, l'attente est longue et le module est régulièrement privatisé pour les fêtes d'anniversaire.

Salle d'exposition au Musée allemand de l'espionnage à Berlin.

L'expérience d'un Netflix muséal


Pour palier au manque d'artefacts authentiques, le Musée allemand de l'espionnage fait le choix d'une muséographie 2.0 avec un usage excessif d'écrans vidéos. Cette surexposition n'est ni un gage de réussite, ni d'ailleurs une nouveauté dans le paysage artistique de la ville. Tablettes, moniteurs et téléviseurs ne sont que des supports et en l'absence d'un narratif cohérent, ils deviennent une curiosité dont on se lasse rapidement.


Les segments thématiques sont mal définis et s’enchaînent sans véritable fil conducteur, mélangeant toutes les époques et les traitant de manière très inégale. Il aurait été plus judicieux de se concentrer sur un aspect précis et de le traiter en profondeur. A ce titre, la partie consacrée aux films d'espionnage est assez symptomatique d'un remplissage indigeste et d'un manque créatif.


Le Musée allemand de l'espionnage est davantage un parc à thème qu'un espace d'éducation ou d'information. La forme compte autant que le fond, sinon plus. Malheureusement, les interactions sont trop réduites et les quelques bonnes idées de mise en scène ne procurent qu'un amusement sporadique. L'esthétique générale n'impressionne guère et la muséographie semble déjà dépassée. L'histoire fournissait un cadre idéal mais il s'agit d'une facilité d'écriture. Des options basées sur la fiction auraient pu être envisagées. Cela aurait apporté un peu de fraîcheur à une thématique maintes fois abordées à Berlin.

Segment consacré à James Bond au Musée allemand de l'espionnage à Berlin.

Atouts

  • Quelques interactions intéressantes

  • Une surface relativement grande

  • Le sens de la visite sans aller-retour

Limites

  • Un concept mal maîtrisé

  • Plusieurs modules endommagés

  • La médiocrité de certaines salles

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