Dr Julien Drouart
Mémorial de la Déportation Gleis 17 : faire le vide pour le souvenir
Dernière mise à jour : 8 janv. 2022

Le Mémorial de la Déportation Gleis 17 (Quai 17) commémore le destin de milliers d'Allemands juifs au temps du national-socialisme. C'est très certainement l'un des espaces mémoriels les plus poignants et les plus dignes que Berlin connaisse. Accompagnez-moi lors d'une visite guidée du mémorial !
Une visite du Mémorial de la Déportation Gleis 17 est facultative. C'est aussi un coup de cœur personnel.
Le régime hitlérien a conduit à l'extermination physique et morale de la communauté juive de Berlin. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Berlinois de culture ou de confession juive furent arrêtés et parqués en centres de rassemblement avant la déportation vers l'Est et la mort.
La gare de Grunewald devint le principal lieu de départ des convois à destination des camps de concentration, des ghettos des villes de Pologne ou d'Union soviétique occupées par les armées allemandes, du complexe Auschwitz. Plus de 50.000 personnes, hommes et femmes, aînés et enfants, empruntèrent la rampe pour gagner les quais.
Cyniquement, l'administration ferroviaire dans un premier temps rançonnait les déportés. Puis elle factura directement ses services auprès de l'Office central de la Sécurité du Reich. Cette participation active fut redécouverte bien plus tard. Cela conduisit à la constitution dans les années 1990 d'un ensemble mémoriel multiple. Sur le parvis de la gare, sont présentées différentes œuvres artistiques, légères ou graves. Le visiteur remonte ensuite la rampe.
Une puissance émotionnelle exceptionnelle
La particularité du Mémorial de la Déportation Gleis 17 est qu'il s'inscrit dans un cadre bucolique de grandes maisons bourgeoises. L'espace est singulièrement charmant. Cette configuration donne au lieu une puissance émotionnelle exceptionnelle, peut-être égalée au Musée Juif.
Sur le site original, se succèdent des deux côtés d'une voie ferrée désaffectée des plaques métalliques. Chacune représente un convoi. Les informations sont réduites à leur strict minimum : la date du départ, le nombre de personnes, le lieu de destination. L'apport académique de connaissances n'a pas lieu d'être car l'objectif est ici de maximiser la portée émotionnelle.
Progressivement, le visiteur prend conscience de l'ampleur de la catastrophe, de la logistique incroyable que demandait le transport de centaines d'individus, du drame humain que seuls ceux et celles qui ne voulaient pas voir n'avaient pas vu. La place prépondérante de l'antisémitisme apparaît évidente. Jusqu'aux dernières heures de son existence, le Troisième Reich faisait de la déportation des Juifs une priorité absolue. L'ultime convoi connu partait de cette gare en mars 1945 avec 18 personnes à son bord et à destination du camp de Theresienstadt, en Bohème-Moravie.
Un lieu de recueillement avant tout
La visite du Mémorial de la Déportation Gleis 17 s'avère une expérience troublante, voire déchirante. La sobriété de la conception, la tranquillité d'un espace excentré des zones touristiques, la nature envahissant l'endroit indiquent que plus jamais un seul train ne quittera désormais ce quai.
Certains objecteront que l'absence singulière d'informations historiques nuit à une véritable compréhension de l'événement. Les critiques ne tiennent pas. L'ensemble n'a pas l'ambition d'informer ou d'apprendre ce qui s'y s'est passé. Il s'agit de lutter contre le déni et d'offrir à ceux et celles qui le souhaitent un lieu de recueillement. C'est d'ailleurs en ces lieux que la communauté juive de Berlin et ses amis commémorent chaque année le drame des pogroms de Novembre 1938. Par conséquent, une visite ne s'impose pas car la démarche doit rester personnelle.
Atouts
Une présentation digne et sobre
Une portée émotionnelle très forte
L'authenticité des lieux
Situé dans un paisible quartier résidentiel
Limites
Un temps de visite dépendant des attentes de chacun
L'absence de tout interlocuteur sur place